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Des Impudents à Moderato cantabile : une première Duras (Cahiers Marguerite Duras)

Des Impudents à Moderato cantabile : une première Duras (Cahiers Marguerite Duras)

Publié le par Marc Escola (Source : Christophe Meurée)

Des Impudents à Moderato cantabile : une première Duras

 Direction : Lauren Upadhyay et Christophe Meurée

English version below

« Moderato représente pour moi une chose tout à fait différente des premiers livres », affirme son auteure en 1962 : ce roman de 1958, commandé par Alain Robbe-Grillet et publié aux éditions de Minuit, institue dans l’œuvre une coupure que Duras a souvent commentée, au point qu’elle ait pu dire en 1974 dans Les Parleuses : « Il y a toute une période où j’ai écrit des livres, jusqu’à Moderato cantabile, que je ne reconnais pas ».

C’est sur ces sept « premiers livres », des Impudents (1943) au Square (1955), édités par Gallimard, que cette livraison des Cahiers Marguerite Duras (n°4, 2024) souhaite revenir pour se demander dans quelle mesure il y aurait là une « première » Duras à l’œuvre.

Cette première période est pleine de paradoxes. Ainsi, Roland Barthes a pu regretter le charme des premières œuvres, alors que c’est à partir de Moderato cantabile que Duras se voit associée, souvent malgré elle, au Nouveau Roman, dont le critique est l’un des fervents défenseurs. Elle reste exploratoire à bien des égards : elle donne dans le roman régionaliste (Les Impudents et La Vie tranquille), elle s’inspire des modèles américains (Hemingway en tête avec notamment Le Marin de Gibraltar) sans renier des emprunts à l’existentialisme sartrien ou à l’absurde camusien, elle promeut un dialogue de plus en plus prégnant (culminant dans Le Square) et elle présente une dimension politique qu’on retrouve dans les articles de presse publiés régulièrement à cette époque. L’autrice se cherche, comme le montrent les Cahiers de la guerre publiés de manière posthume (2006) où les thématiques centrales sont en germe avant même le premier roman publié. L’autrice se trouve petit à petit et invente une première Duras. 

Ce dossier des Cahiers Marguerite Duras (n° 4, 2024) visera à explorer cette période et décider de ce qui caractérise en propre cette « première Duras ». S’agit-il de questions thématiques, poétiques, esthétiques, stylistiques (ou celles-ci combinées) ? Faut-il voir dans cet usage du romanesque une écriture typique des années 1940-1950 ? y compris dans les thèmes abordés ? Trouve-t-on, dans les premières œuvres, les germes de ce qui deviendra le style singulier durassien, valorisé par l’auteure en 1958 comme « une absence de style » (Duras, « À propos de Georges Bataille ») ? Inversement, qu’est-ce qui, de la singularité de la Duras d’avant Moderato cantabile se retrouverait dans ses œuvres ultérieures de sorte que certaines furent réécrites ? 

Les modèles revendiqués ou attribués, les histoires et les thèmes abordés, la construction narrative comme la fabrique du personnage, les caractéristiques stylistiques pourront faire l’objet d’analyses. On pourra proposer des études d’ensembles (par exemple, Les Impudents et La Vie tranquille ; Le Marin de Gibraltar et Les Petits chevaux de Tarquinia ; le recueil Des journées dans les arbres), fixer des récurrences, repérer des évolutions ou étudier les œuvres séparément, en gardant à l’esprit leur place dans ce corpus. On pourra également montrer comment certains romans, tels Un barrage contre le Pacifique ou Le Marin de Gibraltar, sont la première manière de réécritures ultérieures. De même, on pourra revenir sur les aspirations de l’auteure au cours de cette période, ainsi que sur la réception de cette première manière. 

Les propositions d’articles (un titre et un court résumé), en langue française ou en langue anglaise, sont à adresser conjointement à Christophe Meurée (christophe.meuree@aml-cfwb.be) et Lauren Upadhyay (upadhyay.lauren@gmail.com) avant le 27 mai 2024. 

Les articles retenus (entre 20 000 et 40 000 signes) sont à envoyer pour le 30 septembre 2024 au plus tard. 

(Les articles seront évalués par les responsables de dossier et de rubriques, puis à l’aveugle par un expert.)

Bibliographie indicative 

Aliette Armel, Marguerite Duras et l’autobiographie, Montreuil, Le Castor Astral, 1990. 

Catherine Bouthors-Paillart, Duras la métisse, Genève, Droz, 2002. 

Christiane Blot-Labarrère, Marguerite Duras, Paris, Seuil, 1992. 

Anne Cousseau, Poétique de l’enfance chez Marguerite Duras, Genève, Droz, 1999. 

Simona Crippa, Marguerite Duras : la tentation du théorique, Paris, Minard, 2021. 

Myriem El-Maïzi, Marguerite Duras ou l’écriture du devenir, Berne, Peter Lang, 2009. 

Yvonne Guers-Villate, Continuité, discontinuité de l’œuvre durassienne, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1985. 

Kelsey L. Haskett, Dans le miroir des mots : identité féminine et relations familiales dans l’œuvre romanesque de Marguerite Duras, Birmingham, Summa Publications, 2011. 

Joël July & Najet Limam-Tnani (dir.), Le Marin de Gibraltar de Marguerite Duras : lectures critiques, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2019.

Sylvie Loignon (dir.), « Lectures de La Vie tranquille », Revue des lettres modernes, série Duras n°6, 2020, p. 137-220.

Sandrine Vaudrey-Luigi, La Langue romanesque de Marguerite Duras : une liberté souvenante, Paris, Classiques Garnier, 2013.

Call for papers

 Des Impudents à Moderato cantabile : une première Duras

 Direction : Lauren Upadhyay and Christophe Meurée

« Moderato represents for me something entirely different from the earlier books », stated its author in 1962: this 1958 novel, commissioned by Alain Robbe-Grillet and published under the Éditions de Minuit, instituted a break into Duras’s corpus on which the author often commented, to such an extent that in 1974 she stated in Les Parleuses: “There is a whole period when I wrote books, up to Moderato cantabile, that I do not recognize.” 

It is to these seven “first books,” from Les Impudents (1943) to The Square (1955), edited by Gallimard, that this edition of the Cahiers Marguerite Duras (n°4, 2024) wishes to return in order to consider to what extent there may be a “first” Duras at work in these texts. 

This early period is full of paradoxes, since Duras is just beginning to attract her first readers. Roland Barthes, for example, lamented the charm of Duras’s early works, although it is starting from Moderato cantabile that the author became associated, often in spite of herself, with the Nouveau Roman, of which the critics would become one of the most fervent defenders. This period of Duras’s work remains exploratory in many ways: she dabbles in the “regionalist” novel (Les Impudents and La Vie tranquille), draws inspiration from American models (Hemingway in particular, with Le Marin de Gibraltar), without forgetting her sampling of Sartrian Existentialism or Camusian Absurdism; she promotes an increasingly pervasive dialogue (culminating in Le Square), and presents a political scope that also filters into the articles published regularly at this period. The author searches for herself, as is evident in the Cahiers de la guerre, published posthumously (2006), where the central themes are budding even prior to the publication of her first novel. She finds herself little by little and invents a “first Duras.”

This issue of the Cahiers Marguerite Duras (n°4, 2024) aims to explore this period to determine what characterizes the “early Duras.” Is it a question of thematics, poetics, esthetics, stylistics, or a combination of each? Is this use of fiction a typical feature of writing in the 1940s-1950s? Do we find in these first works the seeds of what would become the singular Durassian style, characterized by the author in 1958 as “an absence of style” (Duras, “À propos de Georges Bataille”)? Conversely, what remains of the uniqueness of the pre-Moderato cantabile Duras that may have found its way into her later works, especially considering that some of them were re-written? 

The influences claimed or attributed, the stories and themes tackled, the narrative construction as well as the fabrication of the character and stylistic characteristics, all present possible subjects of study, as well as ensemble studies (for example, Les Impudents and La Vie tranquille; Le Marin de Gibraltar and Les Petits Chevaux de Tarquinia; the collection Des journées entières dans les arbres), recurrences and developments, or study of the works separately, bearing in mind their place in the corpus. One may also consider how certain novels, such as Un barrage contre le Pacifique or Le Marin de Gibraltar, are the first step in later rewritings. Similarly, one might examine the author's aspirations during this period, as well as the readers’ and critics’ reception of this early writing. 

Article proposals (a title and a short summary), in French or English, may be addressed conjointly to Christophe Meurée (christophe.meuree@aml-cfwb.be) and Lauren Upadhyay (upadhyay.lauren@gmail.com) before 27 May 2024. 

Articles chosen (between 20,000 and 40,000 characters) should be submitted by 30 September 2024 at the latest. 

Articles will be evaluated by the editors and by blind peer review. 

Selected bibliography

Aliette Armel, Marguerite Duras et l’autobiographie, Montreuil, Le Castor Astral, 1990. 

Catherine Bouthors-Paillart, Duras la métisse, Geneva, Droz, 2002. 

Christiane Blot-Labarrère, Marguerite Duras, Paris, Seuil, 1992. 

Anne Cousseau, Poétique de l’enfance chez Marguerite Duras, Geneva, Droz, 1999. 

Simona Crippa, Marguerite Duras : la tentation du théorique, Paris, Minard, 2021. 

Myriem El-Maïzi, Marguerite Duras ou l’écriture du devenir, Bern, Peter Lang, 2009. 

Yvonne Guers-Villate, Continuité, discontinuité de l’œuvre durassienne, Brussels, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1985. 

Kelsey L. Haskett, Dans le miroir des mots : identité féminine et relations familiales dans l’œuvre romanesque de Marguerite Duras, Birmingham, Summa Publications, 2011. 

Joël July & Najet Limam-Tnani (eds.), Le Marin de Gibraltar de Marguerite Duras : lectures critiques, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2019.

Sylvie Loignon (ed.), « Lectures de La Vie tranquille », Revue des lettres modernes, série Duras n°6, 2020, p. 137-220.

Sandrine Vaudrey-Luigi, La Langue romanesque de Marguerite Duras : une liberté souvenante, Paris, Classiques Garnier, 2013.